Sur la mémoire

SVidéos d’excellentes émissions et documentaires:

Emission Comment exercer son cerveau diffusée début 2017

Si vous avez une vingtaine de minutes disponibles , je vous invite à regarder cet épisode d’Etat de Santé diffusé sur LCP récemment. Animée par Elizabeth Martichoux avec Stanislas Dehaene comme invité cette émission sur le cerveau nous invite avec finesse et discernement à apprendre à apprendre et à mieux connaitre son cerveau.

 

 

Dans les classiques

De Sénèque, Lettres à Lucilius, 33ème lettre, sur les maximes des philosophes, 63-64

Le trésor de nos maximes est immense ; il n’y a qu’à ramasser et non pas à choisir. Elles se succèdent en effet, non pas lentement, mais à flots pressés, et se lient entre elles. Je ne doute pas qu’un pareil recueil ne puisse être fort utile au disciple encore
inexpérimenté. Les pensées se gravent plus aisément, lorsqu’elles sont renfermées, enchaînées dans la mesure desvers. Aussi faisons-nous apprendre des maximes aux enfants, surtout de celles que les Grecs appellent chries; elles sont à laportée de leur âge ; elles sont à la mesure de leur capacité. Mais il est honteux pour un homme de ramasser des fleurs, de s’appuyer d’un petit nombre de pensées connues, et de n’être fort que de sa mémoire.

Eh! soyez fort de vous-même ; parlez, ne citez pas. Quelle honte pour un vieillard, ou du moins pour un homme prêt à le devenir, quelle honte d’être sage le livre à la main! – Voilà ce que dit Zénon —. – Et vous?- Ce que dit Cléanthe —. – Et vous? —. Serez-vous donc toujours le satellite d’un autre? Commandez, vous aussi; donnez à citer, à votre tour; tirez de votre propre fonds. Oui, ils n’ont rien de grand dans l’âme, ces hommes qui toujours traducteurs et jamais auteurs, toujours cachés à l’ombre d’autrui, n’osent jamais faire ce qu’ils ont si longtemps appris! ils exercent leur mémoire sur l’ouvrage d’un autre; mais il y a loin de la mémoire à la science. Par la mémoire, vous gardez le dépôt confié à votre souvenir ; par la science, vous vous l’appropriez ; vous ne restez pas toujours attaché devant un modèle, les yeux fixés
sur un maître’. Voilà ce que dit Zénon, ce que dit Cléanthe —.

 

De Saint Augustin, sur les palais de la mémoire dans Les Confessions, écrit en 397 et 401

Et j’arrive aux vastes palais de la mémoire, là où se trouvent les trésors d’images innombrables […]. Quand je suis là, je fais comparaître tous les souvenirs que je veux. Certains s’avancent aussitôt […]. Je les éloigne avec la main de l’esprit du visage de ma mémoire, jusqu’à ce que celui que je veux écarte les nuages et du fond de son réduit paraisse à mes yeux […]. J’ai beau être dans les ténèbres et le silence, je peux, à mon gré, me représenter les couleurs par la mémoire, distinguer le blanc du noir, et toutes les autres couleurs les unes des autres ; mes images auditives ne viennent pas troubler mes images visuelles : elles sont là aussi, cependant, comme tapies dans leur retraite isolée […]. Je discerne le parfum des lis de celui des violettes, sans humer aucune fleur ; je peux préférer le miel au vin cuit, le poli au rugueux, sans rien goûter ni rien toucher, seulement par le souvenir […].

En moi-même, dans ce grand palais de ma mémoire […] le ciel, la terre, la mer, et tout ce que j’ai pu y remarquer s’offrent à moi aussitôt que je veux, hormis les choses que j’ai oubliées […]. C’est là que je me rencontre moi-même […]. Grande est cette puissance de la mémoire, prodigieusement grande, ô mon Dieu ! C’est un sanctuaire d’une ampleur infinie […]. Les hommes s’en vont admirer la cime des montagnes, les vagues énormes de la mer, le large cours des fleuves, les côtes de l’océan, les révolutions et les astres, et ils se détournent d’eux-mêmes.

Note: dans la culture d’Augustin oublier certaines choses était une condition nécessaire pour se souvenir d’autres, pas l’échec d’un savoir.

De Voltaire, de son vrai nom François-Marie Arouet, L’Aventure de la Mémoire, extrait des Contes Philosophiques, 1773

Le genre humain pensant, c’est-à-dire la cent millième partie du genre humain, tout au plus, avait cru longtemps, ou du moins avait souvent répété que nous n’avions d’idées que par nos sens, et que la mémoire est le seul instrument par lequel nous puissions joindre deux idées et deux mots ensemble.
C’est pourquoi Jupiter, représentant la nature, fut amoureux de Mnémosyne, déesse de la mémoire, dès le premier moment qu’il la vit; et, de ce mariage, naquirent les neuf Muses, qui furent les inventrices de tous les arts.
Ce dogme, sur lequel sont fondées toutes nos connaissances, fut reçu universellement, et même la Nonsobre l’embrassa dès qu’elle fut née, quoique ce fût une vérité.
Quelque temps après vint un argumenteur, moitié géomètre, moitié chimérique, lequel argumenta contre les cinq sens et contre la mémoire, et dit au petit nombre du genre humain pensant: « Vous vous êtes trompés jusqu’à présent; car vos sens sont inutiles; car les idées sont innées chez vous avant qu’aucun de vos sens pût agir, car vous aviez toutes les notions nécessaires, lorsque vous vîntes au monde. Vous saviez tout sans jamais avoir rien senti; toutes vos idées, nées avec vous, étaient présentes à votre intelligence, nommée âme, sans le secours de la mémoire cette mémoire n’est bonne à rien. »
La Nonsobre condamna cette proposition, non parce quelle était ridicule, mais parce qu’elle était nouvelle. Cependant, lorsque ensuite un Anglais se fut mis à prouver, et même longuement, qu’il n’y avait point d’idées innées, que rien n’était plus nécessaire que les cinq sens, que la mémoire servait beaucoup à retenir les choses reçues par les cinq sens, elle condamna ses propres sentiments, parce qu’ils étaient devenus ceux d’un Anglais. En conséquence elle ordonna au genre humain de croire désormais aux idées innées et de ne plus croire aux cinq sens et à la mémoire. Le genre humain, au lieu d’obéir, se moqua de la Nonsobre, laquelle se mit en telle colère qu’elle voulut faire brûler un philosophe; car ce philosophe avait dit qu’il est impossible d’avoir une idée complète d’un fromage, à moins d’en avoir vu et d’en avoir mangé; et même le scélérat osa avancer que les hommes et les femmes n’auraient jamais pu travailler en tapisserie, s’ils n’avaient pas eu des aiguilles et des doigts pour les enfiler.
Les liolisteois se joignirent à la Nonsobre pour la première fois de leur vie; et les séjanistes, ennemis mortels des liolisteois, se réunirent pour un moment à eux; ils appelèrent à leur secours les anciens dicastériques, qui étaient de grands philosophes; et tous ensemble, avant de mourir, proscrivirent la mémoire et les cinq sens, et l’auteur qui avait dit du bien de ces six choses.
Un cheval se trouva présent au jugement que prononcèrent ces messieurs, quoiqu’il ne fût pas de la même espèce, et qu’il y eût entre lui et eux plusieurs différences, comme celles de la taille, de la voix, de l’égalité des crins et des oreilles; ce cheval, dis-je, qui avait du sens aussi bien que des sens, en parla un jour à Pégase, dans mon écurie et Pégase alla raconter aux Muses cette histoire, avec sa vivacité ordinaire.
Les Muses, qui, depuis cent ans, avaient singulièrement favorisé le pays, longtemps barbare, où cette scène se passait, furent extrêmement scandalisées; elles aimaient tendrement Mémoire ou Mnémosyne, leur mère, à laquelle ces neuf filles sont redevables de tout ce qu’elles savent. L’ingratitude des hommes les irrita. Elles ne firent point de satires contre les anciens dicastériques, les liolisteois, les séjanistes et la Nonsobre, parce que les satires ne corrigent personne, irritent les sots, et les rendent encore plus méchants. Elles imaginèrent un moyen de les éclairer en les punissant. Les hommes avaient blasphémé la mémoire; les Muses leur ôtèrent ce don des dieux, afin qu’ils apprissent une bonne fois ce qu’on est sans son secours.
Il arriva donc qu’au milieu d’une belle nuit tous les cerveaux s’appesantirent, de façon que le lendemain matin tout le monde se réveilla sans avoir le moindre souvenir du passé. Quelques dicastériques, couchés avec leurs femmes, voulurent s’approcher d’elles par un reste d’instinct indépendant de la mémoire. Les femmes, qui n’ont eu que très rarement l’instinct d’embrasser leurs maris, rejetèrent leurs caresses dégoûtantes avec aigreur. Les maris se fâchèrent, les femmes crièrent, et la plupart des ménages en vinrent aux coups.
Messieurs, trouvant un bonnet carré, s’en servirent pour certains besoins que ni la mémoire ni le bon sens ne soulagent. Mesdames employèrent les pots de leur toilette aux mêmes usages; les domestiques, ne se souvenant plus du marché qu’ils avaient fait avec leurs maîtres, entrèrent dans leurs chambres sans savoir où ils étaient; mais, comme l’homme est né curieux, ils ouvrirent tous les tiroirs; et comme l’homme aime naturellement l’éclat de l’argent et de l’or, sans avoir pour cela besoin de mémoire, ils prirent tout ce qu’ils en trouvèrent sous la main. Les maîtres voulurent crier au voleur; mais l’idée de voleur étant sortie de leur cerveau, le mot ne put arriver sur leur langue. Chacun ayant oublié son idiome articulait des sons informes. C’était bien pis qu’à Babel, où chacun inventait sur-le-champ une langue nouvelle. Le sentiment inné dans le sens des jeunes valets agit si puissamment, que ces insolents se jetèrent étourdiment sur les premières femmes ou filles qu’ils trouvèrent, soit cabaretières, soit présidentes; et celles-ci, ne se souvenant plus des leçons de pudeur, les laissèrent faire en toute liberté.
Il fallut dîner; personne ne savait plus comment il fallait s’y prendre. Personne n’avait été au marché ni pour vendre ni pour acheter. Les domestiques avaient pris les habits des maîtres, et les maîtres ceux des domestiques. Tout le monde se regardait avec des yeux hébétés. Ceux qui avaient le plus de génie pour se procurer le nécessaire (et c’étaient les gens du peuple) trouvèrent un peu à vivre: les autres manquèrent de tout. Le premier président, l’archevêque, allaient tout nus et leurs palefreniers étaient les uns en robes rouges, les autres en dalmatiques; tout était confondu, tout allait périr de misère et de faim faute de s’entendre.
Au bout de quelques jours, les Muses eurent pitié de cette pauvre race; elles sont bonnes, quoiqu’elles fassent sentir quelquefois leur colère aux méchants; elles supplièrent donc leur mère de rendre à ces blasphémateurs la mémoire qu’elle leur avait ôtée. Mnémosyne descendit au séjour des contraires, dans lequel on l’avait insultée avec tant de témérité, et leur parla en ces mots:
« Imbéciles, je vous pardonne; mais ressouvenez-vous que sans les sens il n’y a point de mémoire, et que sans la mémoire il n’y a point d’esprit. »
Les dicastériques la remercièrent assez sèchement et arrêtèrent qu’on lui ferait des remontrances. Les séjanistes mirent toute cette aventure dans leur gazette; on s’aperçut qu’ils n’étaient pas encore guéris. Les liolisteois en firent une intrigue de cour. Maître Cogé, tout ébahi de l’aventure, et n’y entendant rien, dit à ses écoliers de cinquième ce bel axiome. « Non magis Musis quam hominibus infensa est ista quæ vocatur memoria.»

De François-René de Chateaubriand,  sur l’oubliMémoires d’outre-tombe (1849-1850), Tome 1, Livre II, chapitre 2

 Une chose m’humilie : la mémoire est souvent la qualité de la sottise ; elle appartient généralement aux esprits lourds, qu’elle rend plus pesants par le bagage dont elle les surcharge. Et néanmoins, sans la mémoire, que serions-nous ? Nous oublierions nos amitiés, nos amours, nos plaisirs, nos affaires ; le génie ne pourrait rassembler ses idées ; le coeur le plus affectueux perdrait sa tendresse, s’il ne se souvenait plus ; notre existence se réduirait aux moments successifs d’un présent qui s’écoule sans cesse ; il n’y aurait plus de passé. Ô misère de nous ! notre vie est si vaine qu’elle n’est qu’un reflet de notre mémoire.

(What should we be without memory? We should forget our friendships, our loves, our pleasures, our work; the genius would be unable to collect his thoughts; the most ardent lover would lose his tenderness if he could remember nothing. Our existence would be reduced to the successive moments of a perpetually fading present; there would no longer be any past. Poor creatures that we are, our life is so vain that it is nothing but a reflection of our memory.)

De Marcel Proust, le célèbre texte de La Madeleine, Du Côté de chez Swann, 1913

II y avait déjà bien des années que, de Combray, tout ce qui n’était pas le théâtre et le drame de mon coucher, n’existait plus pour moi, quand un jour d’hiver, comme je rentrais à la maison, ma mère, voyant que j’avais froid, me proposa de me faire prendre, contre mon habitude, un peu de thé. Je refusai d’abord et, je ne sais pourquoi, me ravisai. Elle envoya chercher un de ces gâteaux courts et dodus appelés Petites Madeleines qui semblent avoir été moulés dans la valve rainurée d’une coquille de Saint-Jacques. Et bientôt, machinalement, accablé par la morne journée et la perspective d’un triste lendemain, je portai à mes lèvres une cuillerée du thé où j’avais laissé s’amollir un morceau de madeleine. Mais à l’instant même où la gorgée mêlée des miettes du gâteau toucha mon palais, je tressaillis, attentif à ce qui se passait d’extraordinaire en moi. Un plaisir délicieux m’avait envahi, isolé, sans la notion de sa cause. II m’avait aussitôt rendu les vicissitudes de la vie indifférentes, ses désastres inoffensifs, sa brièveté illusoire, de la même façon qu’opère l’amour, en me remplissant d’une essence précieuse : ou plutôt cette essence n’était pas en moi, elle était moi. J’avais cessé de me sentir médiocre, contingent, mortel. D’où avait pu me venir cette puissante joie ? Je sentais qu’elle était liée au goût du thé et du gâteau, mais qu’elle le dépassait infiniment, ne devait pas être de même nature. D’où venait-elle ? Que signifiait-elle ? Où l’appréhender ? Je bois une seconde gorgée où je ne trouve rien de plus que dans la première, une troisième qui m’apporte un peu moins que la seconde. II est temps que je m’arrête, la vertu du breuvage semble diminuer. Il est clair que la vérité que je cherche n’est pas en lui, mais en moi. […] Je pose la tasse et me tourne vers mon esprit. C’est à lui de trouver la vérité. Mais comment ? Grave incertitude, toutes les fois que l’esprit se sent dépassé par lui-même ; quand lui, le chercheur, est tout ensemble le pays obscur où il doit chercher et où tout son bagage ne lui sera de rien. Chercher ? pas seulement : créer. II est en face de quelque chose qui n’est pas encore et que seul il peut réaliser, puis faire entrer dans sa lumière. Et je recommence à me demander quel pouvait être cet état inconnu, qui n’apportait aucune preuve logique, mais l’évidence, de sa félicité, de sa réalité devant laquelle les autres s’évanouissaient. Je veux essayer de le faire réapparaître. Je rétrograde par la pensée au moment où je pris la première cuillerée de thé. Je retrouve le même état, sans une clarté nouvelle. Je demande à mon esprit un effort de plus, de ramener encore une fois la sensation qui s’enfuit. Et, pour que rien ne brise l’élan dont il va tâcher de la ressaisir, j’écarte tout obstacle, toute idée étrangère, j’abrite mes oreilles et mon attention contre les bruits de la chambre voisine. Mais sentant mon esprit qui se fatigue sans réussir, je le force au contraire à prendre cette distraction que je lui refusais, à penser à autre chose, à se refaire avant une tentative suprême. Puis une deuxième fois, je fais le vide devant lui, je remets en face de lui la saveur encore récente de cette première gorgée et je sens tressaillir en moi quelque chose qui se déplace, voudrait s’élever, quelque chose qu’on aurait désancré, à une grande profondeur ; je ne sais ce que c’est, mais cela monte lentement ; j’éprouve la résistance et j’entends la rumeur des distances traversées. Certes, ce qui palpite ainsi au fond de moi, ce doit être l’image, le souvenir visuel, qui, lié à cette saveur, tente de la suivre jusqu’à moi. Mais il se débat trop loin, trop confusément ; à peine si je perçois le reflet neutre où se confond l’insaisissable tourbillon des couleurs remuées ; mais je ne peux distinguer la forme, lui demander, comme au seul interprète possible, de me traduire le témoignage de sa contemporaine, de son inséparable compagne, la saveur, lui demander de m’apprendre de quelle circonstance particulière, de quelle époque du passé il s’agit. Arrivera-t-il jusqu’à la surface de ma claire conscience, ce souvenir, l’instant ancien que l’attraction d’un instant identique est venue de si loin solliciter, émouvoir, soulever tout au fond de moi ? Je ne sais. Maintenant je ne sens plus rien, il est arrêté, redescendu peut-être ; qui sait s’il remontera jamais de sa nuit ? Dix fois il me faut recommencer, me pencher vers lui. Et chaque fois la lâcheté qui nous détourne de toute tâche difficile, de toute oeuvre importante, m’a conseillé de laisser cela, de boire mon thé en pensant simplement à mes ennuis d’aujourd’hui, à mes désirs de demain qui se laissent remâcher sans peine. Et tout d’un coup le souvenir m’est apparu. Ce goût, c’était celui du petit morceau de madeleine que le dimanche matin à Combray (parce que ce jour-là je ne sortais pas avant l’heure de la messe), quand j’allais lui dire bonjour dans sa chambre, ma tante Léonie m’offrait après l’avoir trempé dans son infusion de thé ou de tilleul. La vue de la petite madeleine ne m’avait rien rappelé avant que je n’y eusse goûté ; peut-être parce que, en ayant souvent aperçu depuis, sans en manger, sur les tablettes des pâtissiers, leur image avait quitté ces jours de Combray pour se lier à d’autres plus récents ; peut-être parce que, de ces souvenirs abandonnés si longtemps hors de la mémoire, rien ne survivait, tout s’était désagrégé ; les formes – et celle aussi du petit coquillage de pâtisserie, si grassement sensuel sous son plissage sévère et dévot – s’étaient abolies, ou, ensommeillées, avaient perdu la force d’expansion qui leur eût permis de rejoindre la conscience. Mais, quand d’un passé ancien rien ne subsiste, après la mort des êtres, après la destruction des choses, seules, plus frêles mais plus vivaces, plus immatérielles, plus persistantes, plus fidèles, l’odeur et la saveur restent encore longtemps, comme des âmes, à se rappeler, à attendre, à espérer, sur la ruine de tout le reste, à porter sans fléchir, sur leur gouttelette presque impalpable, l’édifice immense du souvenir.